Le savoir-faire fromager expliqué aux enfants
Jeune maitre-fromager engagé, Gabriel Moura ouvre les portes de sa fromagerie aux enfants durant tout l’été à la Roche (FR). À la clé, une visite des locaux de production et de la cave, ainsi qu’une dégustation de Gruyère AOP. « Il faut donner envie ! », confie-t-il.
« Présenter le métier, c’est aussi un peu notre mission ! »
Gabriel Moura, maître fromager à la Roche (FR)
Beurre, lait, yaourts ou fromages : chaque jour, les produits laitiers s’invitent à la table de la colonie d’Estavayer-le-lac, en séjour pour une douzaine de jours au chalet de la Biéla, sur les hauteurs de la Roche. Ce matin, emmenés par leurs éducateurs, une soixantaine d’enfants entre 6 et 12 ans s’apprêtent à découvrir un lieu de fabrication, à la fromagerie de la Roche, chez Gabriel Moura. Exercice rôdé pour le fromager et sa compagne Élodie, qui accueillent des enfants l’été, jusqu’à 5 groupes en ce mois de juillet : « Il arrive que des enfants ne connaissent ni la provenance du lait, ni ses diverses utilisations. Les visites sont un moyen d’informer et de susciter de l’intérêt, tant pour les produits que pour le métier », explique le fromager, conscient du manque de vocations dans les métiers du lait. Parfois, une visite débouche sur une demande de stage à laquelle Gabriel Moura répond toujours favorablement : « Je n’aurais jamais embrassé cette profession sans les stages qui me l’ont fait découvrir », se souvient-il.
Voir et goûter
« C’est vous l’patron ? ». Sa nouvelle casquette Le Gruyère AOP vissée sur la tête et ses couvre-chaussures aux pieds, un garçon interpelle Gabriel Moura. Devant les locaux, le « patron » présente une première particularité des lieux : à la réception du lait, une pompe aspire le précieux liquide des boilles pour le déverser dans les cuves situées à l’intérieur. Quelques notions chiffrées impressionnent la jeune audience : chaque jour sans exception, 34 producteurs amènent le lait de quelque 1000 vaches qui paissent au village et aux alentours. Avant d’entamer le processus d’élaboration du Gruyère AOP, le lait est pesé, filtré et analysé pour en garantir la qualité. Sans insister sur les détails techniques, Gabriel Moura souligne l’importance des contrôles des échantillons pour la suite des opérations. Il explique : « Avec les enfants, la visite suit le chemin du lait, depuis sa réception jusqu’au stockage des meules, mais je leur épargne les détails car ils ont surtout envie de voir et de goûter ! ».
Des bactéries bienvenues
Un employé de Gabriel Moura s’active autour d’une cuve, le lait commence de cailler, laissant apparaître le petit lait qui servira à fabriquer du beurre – avec la crème – et à nourrir les quelque… 800 cochons du village ! Le fromager souligne les vertus économiques et écologiques de cet usage. A la fin du processus de fabrication, les meules sont marquées au talon de l’appellation Le Gruyère AOP et une marque de caséine y est apposée. Tous les enfants connaissent le fameux fromage ; Sven, 7 ans, ne cache pas sa ferveur : « Moi, j’adore le Gruyère ! », s’exclame-t-il, et de préciser qu’il en consomme tous les jours. Les mines se font un peu plus dubitatives lorsque Gabriel Moura évoque les cultures de bactéries nécessaires pour acidifier le lait et le transformer. Néanmoins, les enfants restent bien concentrés. Pour la plupart, cette visite est une première.
Apprendre à relever les qualités du Gruyère AOP
Vient le moment de découvrir l’univers particulier de la cave, dans la fraîcheur et l’humidité. Les odeurs d’ammoniac et de saumure ne sont pas au goût de tout le monde, mais la quantité et la taille des meules impressionnent. Le groupe se fraie un passage entre les montants de la cave, entre des pièces jeunes très claires et d’autres, plus anciennes, dont la morge est à la fois plus sombre et plus solide. On évoque aussi l’affineur et son indispensable sonde, parfois révélatrice de trous qui priveront le fromage de son appellation AOP. « Alors on le jette ? », s’étonne une participante. Le fromager de la Roche la rassure : pour autant qu’il n’y ait pas d’incidences sur le goût, le fromage à trous est vendu râpé ou conditionné pour la fondue. Sollicités par leur hôte, les enfants listent en chœur les critères d’un bon Gruyère AOP : absence de trous, pâte élastique, goût, apparence et conservation.
Une fois à nouveau à l’air libre, ils sont conviés à une dégustation de Gruyères AOP de maturations variables. L’un d’eux se met en retrait ; le malheureux n’aime pas le fromage ! Suscitant les rires autour de lui, un autre affirme : « Quand je serai paysan, j’aurai 150 vaches ! ». Pour Gabriel Moura, malgré les impératifs d’organisation, l’expérience est toujours concluante : « Toute notre équipe aime communiquer et dans certaines régions, les fromageries sont moins nombreuses que dans notre canton. Présenter le métier, c’est aussi un peu notre mission ! », déclare-t-il.
En chiffres :
- 320 tonnes de Gruyère AOP fabriqués annuellement
- Jusqu’à 3300 meules en cave
- 12 collaborateurs et collaboratrices, dont 2 apprentis
- 34 producteurs de lait